16 000 milliards $ de capitalisation pour les plateformes multifaces stricto sensu.
3,48 milliards d’utilisateurs quotidiens rien que pour Meta.
490 milliards $ d’investissements IA prévus d’ici 2026.
Ces chiffres révèlent une concentration de pouvoir économique sans précédent dans l’histoire du capitalisme. Ca réveille ?
Contextualisons un pouvoir sans précédent
Sept entreprises (Microsoft Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Tencent, Alibaba) valent plus du double que trois des plus grandes économies européennes réunies (Allemagne, la France et le Royaume-Uni ≈7 T$ en 2025).
Trois entreprises (Alphabet + Amazon + Meta) captent 56% des dépenses publicitaires mondiales hors Chine en 2025 (WARC).
Cette concentration dépasse tout précédent historique dans l’industrie des médias.
Déconstruisons la mécanique économique
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Le mythe de la « gratuité »
Contrairement à l’idée répandue, seulement 24% de la capitalisation totale provient d’entreprises principalement financées par la publicité (Alphabet + Meta). Certes, Meta génère 98% de ses revenus via la publicité (46,6 Mds $ au Q2 2025) et Alphabet 74% (71 Mds $ au Q2), mais les autres géantes (Apple, Microsoft, Amazon) ont des modèles diversifiés incluant hardware, cloud, commerce et services B2B.
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L’intensité capitalistique cachée
L’ère IA impose des capex sans précédent. Le mythe des plateformes « asset-light » est mort. Les projections Citi situent les investissements en infrastructure IA des hyperscalers à 490 milliards $ d’ici 2026, et plus de 2 800 milliards $ de trajectoire d’ici 2029.
Ces montants dépassent le PIB annuel de la France (≈3 T$).
Les plateformes ne sont plus des intermédiaires légers mais des opérateurs d’infrastructures lourdes.
Comprenons le (génial) modèle théorique
Le Prix Nobel d’économie 2014 (Rochet-Tirole) a formalisé trois mécanismes fondamentaux :
- Monétisation asymétrique: Un côté du marché subventionne l’autre. Uber a ainsi perdu >31 Mds $ jusqu’en 2022 pour équilibrer chauffeurs et passagers avant d’atteindre la rentabilité en 2023.
- Effets de réseau croisés: La valeur croît exponentiellement avec les interactions. Meta seul atteint 3,48 milliards d’utilisateurs actifs quotidiens (juin 2025) – près de la moitié de l’humanité.
- Verrouillage systémique: Les coûts de sortie (switching costs) et de multi-hébergement (multi-homing) créent des monopoles de facto.
Et apprécions trois modèles de civilisation en compétition
- Capitalisme de surveillance (US): Monétisation maximale des données comportementales
- Techno-souveraineté (Chine): Fusion État-plateforme (WeChat comme infrastructure publique de facto)
- Régulation par les valeurs (UE): Primauté des droits fondamentaux sur l’efficience économique
L’Europe, qui a raté les vagues PC (1980s), Internet (1990s) et mobile (2000s), peut-elle encore créer des champions dans l’ère IA ? Ou sa contribution historique sera-t-elle d’avoir inventé le RGPD et le DMA – des garde-fous nécessaires mais insuffisants face à des infrastructures devenues too big to fail ? L’Europe doit-elle miser sur la régulation ou l’investissement massif ?
Sources : MacroTrends & YCharts (capitalisations, sept. 2025) | IMF WEO (PIB, avril 2025) | SEC filings Q2 2025 | Citi Research (projections IA) | WARC (parts marché pub) | investor.atmeta.com (DAU Meta) | Rochet-Tirole, Journal of the European Economic Association (2003)
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